Victoire ! Victoire ! Victoire !   

                  Capitulation de l’Allemagne  

                            Vive la France !

(Extrait du registre des délibérations du Conseil Municipal)


 

Les journées de la victoire à Vieux Mareuil.


 

Journée du lundi 7 mai 1945

U

ne agitation inaccoutumée dans notre petite bourgade ; on attend la capitulation de l’Allemagne pour ce jour 7 mai ; dans l’après-midi, les paysans ont été interrompus dans leurs occupations par deux coups de cloche. Est-ce l’annonce de la grande nouvelle ? Non, pas encore… Mais seulement quelques jeunes filles impatientes de faire entendre leur joie. Cinq heures du soir. Un coup de canon éclate soudain. Et ces jeunes filles bondissent au clocher et ébranlent les cloches ; immédiatement du renfort arrive de tous côtés ; les hommes ont laissé là attelages et outils. Et les cloches sonnent à toute volée, annonçant à tous les échos la Victoire de la France et de ses Alliés.

Certaines personnes murmurent : c’est prématuré, rien n’est officiel. En effet, mais il est permis de manifester sa joie quelques vingt quatre heures plus tôt après cinq ans d’attente douloureuse, d’efforts et de sacrifice. Nous pensons à nos prisonniers, à nos vaillants FFI ex- maquis qui combattent courageusement vers La Rochelle, à notre jeune et héroïque armée qui occupent glorieusement l’Allemagne.

Tous les habitants s’abordent amicalement, la joie éclaire les visages, on y croit à peine : cette maudite Allemagne enfin terrassée !  Comme nous sommes loin des journées terribles de Brantôme, des massacres de Mareuil. Plus de crainte, nous sommes libres, nous pouvons nous endormir tranquilles, nous ne craindrons plus ce Boche abhorré qui menaçait notre vie, qui martyrisait nos frères, nos amis, nos enfants. Enfin tant d’admirables sacrifices n’auront pas été vains. Petits maquis, vous nous avez délivrés ; ceux qui ont toujours cru en vous, ceux qui vous ont aidé relèvent la tête finalement !

Les cloches carillonnent toujours joyeusement !

A la nuit, les jeunes dansent ivres de liberté. La nuit s’écoule, première nuit de France heureuse ; on dormira peu.

        

L

e lendemain 8 mai, dans un petit bourg magnifiquement pavoisé, une manifestation au monument aux morts de 1914 s’organise, de belles gerbes de fleurs y seront déposées. A 3 h, tous les postes de TSF grand ouverts retransmettent le discours tant attendu du général de Gaulle, notre libérateur.

L’Allemagne a capitulé sans condition !

         8 mai, date historique !

        La France s’est relevée ! Soyons fiers d’être français !

Alors le cortège qui s’est formé sur la route de Mareuil face à la maison d’un premier prisonnier rapatrié se dirige vers la place de l’église, le drapeau des anciens combattants 14-18 flotte au dessus de la foule, ce drapeau qui n’était pas ressorti depuis les années d’odieuse occupation.

Les cloches sonnent toujours !

Et voici une foule émue et recueillie devant le monument aux morts, un clairon sonne Aux Champs, l’adjoint au maire lit une courte allocution et la foule entonne une vibrante Marseillaise qui fait penser à celle qu’entonna Rouger de Lisle. Bien des visages sont couverts de larmes ; on n’oublie pas ; les privilégiés pensent à ceux qui ont tout donné, à ceux de 14-18, à ceux de 40-45.

La foule se sépare et les anciens combattants se rendent chez un de leurs camarades paralysés depuis des années qui continue à payer son tribut à la France, un de ses fils est prisonnier et un autre ex-maquis combat à La Rochelle. L’heure est émouvante.

Les rues sont toujours très animées. Les jeunes rêvent de gaieté. Ils complotent une retraite aux flambeaux pour le soir qui est un véritable succès ; presque tout le bourg est entraîné dans cette farandole ; on chante ; le bon curé reçoit même leur visite, lui aussi, il a cru en la victoire. La nuit se termine dans une gaieté toujours croissante, les jeunes veulent encore plus de joie. Que faire ? Une idée : un défilé de chars !

L

e mercredi 10 mai : le projet s’exécute ;  on amène des chevaux, des voitures ; on porte des fleurs ; les chars sont ornés. Le char de la Victoire portant à l’avant les drapeaux français et alliés évoquent les chars victorieux des Romains. D’ailleurs, tout à l’heure, il trainera la dépouille du vaincu, sorte de bonhomme de paille qui représente Hitler, le plus grand assassin de l’histoire. Vers 4 heures, les chars remplis de jeunesse bruyante parcourent les rues suivis de nombreuses bicyclettes fleuries. Et l’on décide de se rendre au chef-lieu de canton. Nous arrivons dans la ville chantant la Marseillaise. Nous sommes accueillis par des bravos. Une foule admirative nous suit et nous applaudit ; les bravos crépitent, on nous envoie des baisers. Retour à Vieux Mareuil, on nous y attend, on nous félicite.

On annonce pour le soir la pendaison de cet Hitler qui a amassé sur lui tant de malédiction et de haine. Il fait nuit, un gibet est dressé. L’heure de la vengeance a sonné. On hisse le bonhomme de paille au sommet du gibet ; un homme tire plusieurs coups de fusil et on allume le feu, la foule délirante danse autour. Nous avons tous l’impression qu’il est là gisant et que nous venons de faire disparaître le Monstre à tout jamais… Les poitrines respirent plus librement que jamais. Une troisième nuit s’achève avec des danses joyeuses, jeunes et vieux tourbillonnent. Au matin, chacun prend un peu de repos, les cloches se sont tues. Le soleil est plus brillant que jamais. Le petit village s’enfonce dans la paix. On nous annonce pour le dimanche 13, jour de Jeanne d’Arc, la visite d’un cortège de chars du chef-lieu de canton qui ne veut pas être en reste avec notre humble commune.

 

A quatre heures, nous sommes prêts. Un arc de triomphe est dressé à l’entrée du bourg. Dessous se tient une petite Alsacienne ; ensuite, trois jeunes filles vêtues de longues robes forment le drapeau tricolore. De chaque côté, des soldats en armes montent une garde d’honneur. Derrière eux, une jeune femme du village de la Férédie à cheval tient un drapeau et, tout à l’heure, conduira nos visiteurs par notre petite ville. Tout Vieux Mareuil est transporté… Soudain, trois coups de canon, Mareuil vient à nous. Ils s’approchent, toute la musique de Mareuil est là, les cloches sonnent un accueil enthousiaste. Une belle prise de contact. Des jeunes filles agitent des branches de laurier.

Le cortège se rend au monument aux morts. La cérémonie est émouvante. La Marseillaise retentit. Quelques instants plus tard, les résultats du 2e tour du scrutin sont connus : la liste entière de la Résistance est sortie victorieusement.

 

Journées glorieuses, victoire totale de la France et de la République.

Fidèlement, nous avons suivi ceux de 14-18, ceux de 89.

 

         Vive la France ! Vive la République !

         Vive notre vengeur le Général de Gaulle

               Denyse Saint Roch Veïssy

 


 

1945-FuséeAtomique

La femme très élégante, deuxième à partir de la gauche, est l’auteur de ce texte lyrique.

Elle assurait alors la fonction de secrétaire de mairie.

 

30 avril 1945                                   Hitler se suicide dans son bunker de Berlin. Prise de Munich. 

nuit du 8 au 9 mai 1945               Capitulation de Berlin. 

6 août 1945                                     Bombardement atomique sur Hiroshima. 

15 août 1945                                  Capitulation japonaise. Fin du procès Pétain commencé le 18 juillet.  

 

Mais aussi  http://www.monde-diplomatique.fr/2001/06/A/15316